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« Je chante pour toi… » : Hommage à Joan-Pau Verdier

Joan-Peire Lacomba

« Je chante pour toi et pour ma terre… ». C’est ainsi que je fis sa connaissance, et que nous fûmes certainement nombreux à faire sa connaissance. Une chanson qui nous parlait, dans sa langue, d’un pays et de sa chair ancienne, de ses espoirs et de ses défaites, un pays : le nôtre, qui souffrait, et depuis longtemps. Si bien qu’il nous sembla que la terre tremblait sous nos pieds, comme si le pays venait de se réveiller à ces quelques notes.

« Je chante pour toi… ». Et encore plus profondément si l’on peut dire, le « tu » lançait les mots du poète aux quatre grands vents du monde, car « tu » pouvait être toi, lecteur, moi, auditeur, ou chaque femme ou chaque homme sur toute l’étendue de la Terre. En un mot, le « tu » c’était l’universalité ! Sans la revendiquer, sans en avoir l’air.

Ainsi était pour nous Joan-Pau Verdier, d’ici et d’ailleurs et de partout, inclassable, toujours un peu en avance, toujours là et toujours au dehors. Avec sa façon de mélanger les deux langues, l’occitane et la française ; avec ses hommages aussi, que ce fût à Léo Ferré son « parrain » des premiers jours, mais également, et il y en a tant, à Louise Michel ou à la vieille langue, à Périgueux ou à Van Gogh ; avec ses musiques multicolores, Joan-Pau savait se tourner de tous côtés.

Et souvent à contre-courant comme Arnaut Daniel, et justement en ayant chanté et arrangé les troubadours à son idée. Il y avait aussi la révolte, à la façon d’un Peire Cardenal, contre l’injustice et les faux-semblants de ce monde. Et comme il le disait : « Pour sortir de la déchéance et vivre un jour debout il faut laisser monter la colère et certes nous en avons besoin. »

Et la façon aussi dont il savait raccommoder nos vies, avec des choses plus légères, avec le fil d’or de ses musiques. Et l’on pourrait en citer beaucoup, des vers ou des morceaux de ses chansons qui nous aident à passer de l’autre côté de l’ombre.

Une voix à nulle autre pareille, une plume jamais amère, voici celui qui nous manque, celui dont la perte cause souffrance à la terre d’oc, celui que le monde entier vient de perdre.

Il nous faudra nous en accommoder, c’est le sort de ceux qui restent. Comme toujours quand le temps nous arrache, nous taille un morceau de nos vies, une branche maîtresse. Mais ce que Joan-Pau nous avait greffé n’est pas prêt de se faner, et ne cessera de reverdir. Jusqu’à notre dernier souffle.

« Je chante pour toi… » disais-tu. Eh bien maintenant, c’est nous qui chanterons pour toi, sans ménager nos respirations, sans nous arrêter, et même si nous ne pourrons nous empêcher de laisser échapper une larme au vent du sud.


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