Chasque matin, ieu m’esvelhava d’abora e esperava la clardat per partir dins las venas dau boesc dau plafons ente rescontrava dau monde au nas fòrt, aus braç solides coma daus marns de chaisne, a la gòrja badanta, que s’esbraciavan e credavan e dançavan ; qu’avian una arma. Daus chens que japavan, daus chavaus cavalants, de las lebres finas, daus picataus mocandiers, daus monts, daus fons, daus chamins, de las fonts, daus aubres a la caborna prunda ente demoravan lo chavan e la chiòta, « sa femna »… davant de tornar cloncar dins ‘queu monde ente los rais dau solelh que colavan entre las bròchas folhadas ‘ribavan pas de trauchar l’aiga bruna daus estanhs prunds e silencios ente prenia la mendra fòrma blancha jos la surfacia per una nejada.
Chaque matin, je m’éveillais de bonne heure et j’espérais le jour pour partir dans les veines du bois du plafond où je rencontrais un peuple au nez fort, aux bras solides comme des branches de chêne, à la bouche béante, qui se démenait et criait et dansait ; qui avait une âme…
Nous découvrîmes Françoise Dudognon il y a deux ans quand les éditions Maiade firent paraître d’elle Le limon de l’âme.
Un ton, une façon de mener son récit, un style quoi !
Y aurait-il une autre définition de la littérature ?
Depuis elle est revenue à la langue des siens, elle a franchi le pas, comme on dit.
Et c’est toujours un bonheur de la lire.
Dans ce livre, écrit pour la première fois en occitan (avec la traduction française en regard), elle évoque des souvenirs de son enfance dans le nord de la Dordogne, en mettant l’accent sur les femmes et leur place dans cette société rurale. Le livre s’ouvre sur une histoire au présent, qu’on retrouve par épisodes après chaque récit d’un souvenir : celle d’une femme qui vit seule à la campagne, confrontée aux avances pressantes de son voisin agriculteur, rongé par la solitude.
« Vous trouverez ici les êtres et les choses contés tels qu’ils se cachent dans ma chair, encore que dans le lointain du passé de gaze légère ; mais il serait plus exact de dire que c’est moi qui me cache derrière eux, moi et ce que je porte de mon présent de toile métisse aux couleurs de notre temps. »
« Bien que j’aie tout arrangé à ma façon, rien de plus vrai que ce que je conte ici ; aussi simple que cela fût, c’est l’histoire de tout le monde. Un autre versant de l’Histoire, histoire de pauvres gens, d’une femme… Je dis, des femmes ; l’histoire profonde, la source. »
Françoise Dudognon est née en 1952 de parents originaires de Saint-Pierre de Frugie et Firbeix à la limite entre Dordogne et Haute-Vienne, qui toute leur vie ont parlé occitan. Elle non, mais elle a grandi au contact de cette langue et continue à l’entendre par sa mère. Elle la comprend, peut la parler et l’écrire.
Institutrice de métier, elle travailla également aux côtés du réalisateur Jean-Pierre Denis de 1978 à 1987. D’abord comme co-scénariste et costumière de Histoire d’Adrien, un film en occitan sous-titré en français qui fut Caméra d’or au Festival de Cannes en 1980, puis de La Palombière en 1983 et Champ d’honneur en 1987.
En 2018, les éditions Maïade ont publié d’elle : Le limon de l’âme (livre en français où les gens parlent occitan – traduit) et Quelque chose dans la Lande. Calais avril 2016, journal d’une semaine au camps de réfugiés.
Elle vit et a toujours vécu en Dordogne.
EAN : 9782954346045
2021, 14,5 x 22,5 cm, 213 p., 16,00 € – bilingue –